Le taux sans risque est une variable fondamentale du taux d’actualisation utilisé dans le cadre de la méthode des DCF (utilisation du coût moyen pondéré du capital/WACC pour les anglophiles !).
Le choix de cette variable est, en principe, celui qui est le moins sujet à controverse. Cependant, certains principes fondamentaux doivent être connus, afin d’éviter les erreurs grossières. Voici quelques principes à connaître sur ce sujet.
i) Un investissement peut être qualifié de sans risque, s’il n’y a pas de risque de récupération de son investissement initial => en pratique, nous retenons le taux d’émission des obligations d’états. Ceci étant, la rémunération de certaines obligations d’états intègre un risque de défaut de paiement dont le niveau dépendra de la notation attribuée par les agences de notations. Pour les états tels que la France, l’Allemagne, les USA…, le risque de défaut de paiement est considéré comme (théoriquement) inexistant ; le taux d’émission des obligations d’état peut alors être considéré sans risque. Il est à noter que la divergence de niveau des taux de rémunération des obligations à maturité comparable entre les pays pouvant être qualifiés de « sans risque de contrepartie » résulte des divergences d’anticipation de l’inflation entre les pays. Au regard de ce qui précède, l’évaluation d’actifs dans des pays « à risque » implique la conversion des données dans un format « sans risque » (EUR/US), afin d’utiliser les données de marchés qui puissent être exploitables, ce qui n’est pas forcément le cas dans certains pays à risque. Ce mode de détermination du taux sans risque ne doit pas conduire à ne pas appréhender le risque inhérent à avoir des activités dans des pays à risque, mais à bien catégoriser la nature de chaque risque et/ou à disposer d’éléments de comparaison viables (en particulier sur les informations de marché) pour estimer les autres variables du taux d’actualisation. Ainsi, le risque « pays » est un élément à rattacher à la prime de risque.
Remarque : certains praticiens préconisent l’utilisation directe du taux d’émission d’un emprunt d’état, y compris s’il existe un risque de contrepartie, de telle sorte que le taux sans risque n’est plus vraiment « sans » risque ! A mon avis, cette approche est également envisageable, mais pas dans toutes les situations => outre la nécessité d’apprécier la cohérence de ce taux « sans » risque avec les flux de trésorerie, il conviendra de s’assurer de la pertinence des marchés financiers locaux (marché suffisamment liquide et non concentré sur un nombre limité de capitalisation), ce qui n’est pas nécessairement le cas dans les pays émergents. C’est pour ces raisons, que certains experts préconisent plutôt d’utiliser des données EUR/US tout en ajoutant un spread souverain. Cette dernière solution a également ma préférence (ce sujet sera approfondi dans le cadre d’un futur papier consacré aux primes de risques).
ii) Dans un contexte d’évaluation financière reposant sur des flux sur une longue période, il est cohérent de retenir un taux d’émission des emprunts d’états avec une maturité à long terme. En pratique, la communauté financière utilise l’OAT 10 ans. Ce choix s’impose également par le fait que la prime de risque résulte de la différence entre la rentabilité du marché et le taux sans risque, qui est, en France, l’OAT 10 ans.
iii) Le taux sans risque intègre l’anticipation de l’inflation de la zone géographique d’émission de l’obligation d’état. En conséquence, les flux de trésorerie utilisés dans le modèle doivent être des flux nominaux, c’est-à-dire qu’ils doivent intégrer l’impact de l’inflation. Si tel n’est pas le cas (cas où l’inflation serait élevée et instable), le taux sans risque doit être ajusté afin d’éliminer l’impact de l’inflation, il s’agira alors d’un taux réel. Ce point est aujourd’hui à relativiser au regard du niveau relativement faible de l’inflation, mais ceci ne sera peut-être pas le cas dans le futur et ce n’est pas le cas dans certains pays.
iv) La devise utilisée dans les flux de trésorerie doit être cohérente avec le taux sans risque retenu. Ainsi, utiliser l’OAT 10 ans dans le cadre de l’actualisation de flux en devise moldave par exemple n’apparaîtrait pas très pertinent ; dans une telle situation, il conviendrait, au préalable, de convertir les flux de trésorerie d’origine moldave en euros.
Les points évoqués ci-dessus peuvent apparaître évidents une fois mentionnés ! Mais certains évaluateurs en font parfois abstraction (de bonne foi je suppose !). Dans un contexte de mondialisation, y compris pour les PME, une bonne compréhension de ces problématiques apparaît primordiale. Pour conclure, je dirai que le point fondamental à retenir, c’est de s’assurer, d’une part, de la cohérence des paramètres du taux d’actualisation entre eux, et d’autre part, de l’adéquation de ces derniers avec les hypothèses sous jacentes retenues pour estimer les flux de trésorerie.